J’ignorais combien de temps j’avais marché dans cette forêt. Une heure, peut être deux. A vrai dire, j’avais perdu toute notion du temps. Les minutes et les secondes n’avaient plus aucun sens. C’était comme si le monde s’était arrêter, et que le temps était figé et devenu indéfini. Mais cette sensation de m’étonnait pas. Avec tout ce que j’avais bu, c’était normal. Et ce n’était pas terminé. Une bouteille de Vodka à la main, j’avais bien l’intention de la finir. On ne jette pas une bouteille à moitié pleine, c’est insensé. Même avec des maux de têtes. Quitte à avoir mal, autant le faire bien. Le mal ne me faisait pas peur à cet instant précis, bien au contraire. Il m’attirait. D’ailleurs, j’étais venue ici pour ça, pour le danger. Me balader dans les bois comme le petit chaperon rouge, ce n’était pas vraiment ce que je voulais. Non, à vrai dire je cherchais des champignons. Pas pour faire une omelette ou une fricassée, mais pour m’évader. C’était tout ce que je voulais. Ne plus penser à rien, oublier, ne serait-ce que pendant quelques heures. Cela me suffirait amplement. Une bouchée pour faire tanguer les étoiles et je me sentirais mieux, beaucoup mieux. Encore fallait-il que j’en trouve. Puisqu’à cette saison, c’était plutôt tard. Mais comme on dit, il suffit juste d’y croire…

La nuit commençait à tomber. Non, impossible. J’étais venue en début d’après-midi. Le temps ne pouvait pas passer aussi vite. J’allais devoir abandonner pour rentrer. Quelle déception. Je ne pouvais pas abandonner comme ça. C’était trop facile, je n’allais pas me laisser vaincre par la nuit. Je sortis mon téléphone pour éclairer le sol et continuai mes recherches. Tout je que je trouvais, c’était de la mousse, des fleurs, des détritus, et une bouteille de Gin. Ma bouteille de Gin, celle que j’avais descendue à mon arrivée. J’étais déjà passé par là. Il fallait que je m’en aille d’ici, ça ne servais à rien de rester. L’ennui, c’est que je ne me souvenais plus du chemin que j’avais emprunté. J’avais beau me tourner dans tous les sens, je ne reconnaissais rien. J’avais l’impression de tout découvrir pour la première fois, et la nuit n’arrangeait pas les choses. J’étais perdue. Et si seule, avec seule compagnie le reste de ma bouteille de vodka. Je ne sus pas pourquoi je décidai de boire ma seule compagnie d’une seule traite. C’était une mauvaise idée, je le savais très bien. Premièrement, finir ma bouteille eut le don de me faire tourner la tête. Deuxièmement, je n’avais plus rien à présent. J’étais seule, et sans bouteille. Et pour la première fois depuis mon arrivée, je me sentais tellement vulnérable que la peur commençait à m’envahir. L’alcool accentuait beaucoup trop mes sentiments, c’est peut-être ce qui me causa du tort.

Les larmes commençaient à mouiller mes yeux. Je ne savais ni comment rentrer, ni comment trouver ces fichus champignons. Encore une fois, j’avais mis la barre trop haute en imaginant que je pourrais me changer les idées seule. Même ça, je n’en étais pas capable. Et voilà que maintenant, j’entendais un bruit de feuilles. Quelqu’un étais là, juste derrière moi. Allait-il me tuer, me violer, et me laisser là, inerte au milieu des arbres ? Je ne préférais pas rester pour le savoir. Je me mis à courir, de plus en vite et comme je n’avais jamais couru. La peur au ventre, je priais pour qu’il ne puisse jamais me rattraper. Je voyais les arbres défiler autour de moi, les yeux des hiboux qui se fermaient en me voyant passer, les buissons qui manquaient de me griffer et la mousse sur les arbres. Mais je ne vis la racine qui me fit tomber. C’était fini. Il allait me rattraper. Je n’avais plus le temps de me relever. Je voyais déjà les gros titres dans les journaux. « Une jeune fille tuée de quatre coups de couteau, retrouvée morte dans la forêt avec de l’alcool dans le sang ». Pas très glorieux. Ce qui m’énervait le plus , c’était que je n’avais pas trouvé les champignons avant de mourir.